Presse - Yoyo Maeght sur La Saga Maeght

Petite-fille du célèbre marchand parisien Aimé Maeght, Yoyo Maeght signe un livre où, derrière l’épopée de son grand-père, elle narre l’immense gâchis de l’héritage Maeght.


quotidien de l'art entretien yoyo maeght

R.A. Votre livre s’appelle La saga Maeght mais il semble surtout prétexte à un règlement de comptes avec votre sœur et votre père. Était-ce bien nécessaire de faire un livre pour cela ?

Y.M. Le monde de l’art ne retient que ce point mais pas les lecteurs. J’avais prévu ce livre de longue date, bien avant mes difficultés avec ma famille. Je voulais le sortir pour les 50 ans de la Fondation Maeght. Dans les deux précédents livres que j’ai écrits, je ne me suis pas positionnée comme témoin. Ce qui reste du livre, c’est l’aventure de mes grands-parents. Plus de 80 % de l’ouvrage raconte l’histoire d’Aimé Maeght. L’autre histoire avec ma sœur et mon père est très banale.

R.A. Pourquoi la raconter alors ?

Y.M. Je ne voulais pas m’arrêter à la mort de mon grand-père. Je voulais prendre du recul. Quand Papy est mort, j’ai tout de suite voulu écrire un livre. Au départ, je m’étais arrêtée à cinq ans en arrière. Robert Laffont, mon éditeur, m’a demandé : « pourquoi l’arrêter en 2009 ? ». Le livre était banal sans la fin. Ou j’allais jusqu’au bout, ou je ne le faisais pas. Si mon père s’était comporté en mars dernier avec une envie de conciliation, si j’avais été invitée aux 50 ans de la fondation, je n’aurais pas sorti le livre. Je n’ai rendu la fin du manuscrit qu’en mai. Il fallait aussi aller plus loin, parler des expositions « Bacon-Freud » et la « Russie des avant-gardes » que Jean-Louis Prat avait faites et qui étaient complètement dans l’esprit de papy.

R.A. Justement, vous ne rendez pas assez hommage à Jean-Louis Prat à qui l’on doit les belles années de la fondation après la mort d’Aimé Maeght.

Y.M. Ce n’est pas vrai, quand je dis qu’il est dans l’esprit de mon grand-père, on ne peut pas faire plus bel hommage. Ce n’est d’ailleurs pas le propos du livre, je ne travaillais pas avec lui. Si j’avais eu 1 200 pages, j’aurais davantage écrit sur Jean-Louis. Je suis la seule dans la famille à reconnaître ses mérites. Quand il est parti, mon père n’a pas organisé de pot de départ. Pas une fois il ne l’a félicité. Je suis au contraire en rupture avec la posture familiale. Je ne pouvais pas faire plus chaleureux que de dire que quelqu’un d’extérieur avait plus l’esprit Maeght que quelqu’un de la famille. Mon grand-père s’entourait de gens compétents avec lesquels il pouvait avancer. Mon père et ma sœur s’entourent de gens aux ordres.

R.A. Votre grand-père aurait-il aimé ce déballage ?

Y.M. Je ne me pose pas la question, je n’ai pas de réponse. S’il avait été là, je n’aurais pas enduré ça. S’il avait vécu plus longtemps, peut-être que je n’aurais pas été dans le monde de l’art ou j’aurais été autonome dans le monde de l’art. J’ai écrit ce livre pour couper définitivement. Il me permet de tourner une page.

R.A. Ne craigniez-vous pas un procès en diffamation de la part de votre famille ?

Y.M. Tout ce que je dis est véridique. Je n’ai eu aucune nouvelle après le livre.

R.A. N’y a-t-il pas un risque à être soi-même entaché par l’étalage des différends, un peu comme le livre de Valérie Trierweiler sur sa vie avec François Hollande ?

Y.M. Oui, il y a un risque. J’étais terrifiée à l’idée de le sortir. Je n’ai pas peur que l’on m’attaque, je suis rompue à cela. Ce que l’on m’a fait subir, peu de gens en prennent la mesure. Je n’ai mis dans le livre que 10 % de ce que j’ai subi. J’ai entendu une interview de mon père sur France Culture. Il disait que mon grand-père avait fait une petite fortune avec ses artistes et qu’il voulait s’arrêter. C’est un tel dénigrement, alors qu’Aimé Maeght avait plein de projets. Cela me blesse. Heureusement que j’ai écrit ce livre, sinon c’est ça qui resterait de la mémoire de ma famille.

R.A. N’aurait-il pas été préférable que la saga soit écrite par quelqu’un d’extérieur à la famille ?

Y.M. C’est mon rêve que quelqu’un fasse un tel livre. Je l’avais proposé voilà 12-15 ans à Pierre Assouline.

R.A. Pourquoi ne vous êtes-vous pas détachée plus tôt de votre famille ?

Y.M. C’est mon erreur. J’ai eu une peur panique de ce qu’allait devenir la mémoire de mon grand-père. Je suis tout sauf naïve et faible, mais j’étais anesthésiée. Je suis de cette famille et je n’ai jamais voulu ouvrir les yeux sur elle.

PROPOS RECUEILLIS PAR ROXANA AZIMI

YOYO MAEGHT, LA SAGA MAEGHT dédicacé par Yoyo Maeght.


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