Presse - L’ESPRIT MAEGHT

l'esprit maeght

Le temps d’une conférence, Yoyo Maeght a dessiné un portrait sensible de ses grands-parents, Marguerite et Aimé Maeght, créateurs de la Fondation à Vence, qui porte leur nom.

 

Texte : Isabelle Debuchy
PHOTOS : Jean-Pierre Leloir ;
Sophie Boulet ; Edward Quinn.

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Un livre, les 50 ans d’une fondation | Elle est là, aux côtés de Miró. Yoyo Maeght côtoie dans son enfance, un vivier de génies et c’est sa vie. « Je grandis parmi des hommes rares et j’apprends à voir le monde comme Miró me le montre, comme Prévert me le chante, comme Calder, Malraux, Chagall, Papy, me le suggèrent dans sa beauté, ses excès, ses secrets, ses drames aussi. J’ai l’œil attentif, posé sur la vie et sur la nature. Ces grands hommes du XXe siècle forgent mon regard ». Au fil de son ouvrage, l’auteur se livre à un récit captivant sur les rencontres de son grand-père Aimé avec les peintres qui ont marqué de leur talent, l’histoire de l’art contemporain: Bonnard, Matisse, Miró, Braque… Elle conte, cette atmosphère d’amitié, de joie et de liberté, et ses mots réveillent en nous des sensations. La chaleur des ruelles d’été, des souvenirs de visages, Ella Fitzgerald, Yves Montand, Simone Signoret… le son des criquets et leur contrepoint rythmique dans le « blues for Joan Miró » interprété par Duke Ellington, John, Lamb et Sam Woodyard, en 1966, deux ans après l’ouverture de la Fondation Maeght. Ce blues qui s’évapore dans les volumes accueillants et les jardins plantés sur la colline de Vence. Marguerite et Aimé Maeght ont ouvert leurs portes aux plus grands artistes de leur temps. Peintres et sculpteurs ont étroitement collaboré à la réalisation de cette fondation, dont l’architecte catalan, Josep Lluís Sert, fut le maître d’œuvre. Dans le bâtiment, les jardins et la cour se côtoient des œuvres monumentales. Celles de Giacometti, avec l’une des œuvres les plus célèbres in situ dans le monde, le labyrinthe Miró peuplé de sculptures et de céramiques, les mosaïques murales de Chagall, la piscine et le vitrail de Braque, la fontaine de Bury… Un musée à ciel ouvert dont on suit la création page après page. De la guerre de 1914, au projet, puis à l’ouverture de la Fondation en 1964, le livre mémoire est un collage de souvenirs, perceptions de Yoyo Maeght qui traverse le temps et décrit les ressorts d’une « success story ».

Le mythe Maeght | Comment, en effet, Aimé, artisan lithographe à l’origine, né à Hazebrouck, en 1906, orphe lin de père à la Première Guerre mondiale, a-t-il entrepris cette œuvre bien avant que le Centre Pompidou n’ouvre ces portes ? En 1945, « Aimé est seul, il a tout à construire, il ne peut compter que sur son instinct, ce qu’on appelait son œil, sa force de conviction, son ardeur au travail… et la sagacité de sa femme. »

Oui surtout, ce décisif mariage en 1928 avec Marguerite Devaye, généreuse et décidée, indéniable complément d’Aimé. En 1932, Aimé et Marguerite ouvrent l’imprimerie Arte (Arts et techniques graphiques) à Cannes et font la rencontre décisive de Pierre Bonnard, puis d’Henri Matisse. Après la guerre, la Galerie Maeght ouvre ses portes, le 6 décembre 1945 avec une exposition d’Henri Matisse.

Cette galerie parisienne est déjà un lieu de rassemblement de peintres renommés. « Fin 1946, l’exposition « le noir est une couleur » réunit des œuvres de Bonnard, Matisse, Bra que, Rouault, Marchand, Manessier, Thompson, Geer Van de Velde, Chastel, Villeri, Atlan, Rigaud, Dany et Pallut. Aimé s’appuie sur les grands maîtres de l’art moderne pour défendre de jeunes artistes contemporains… » Aimé Maeght visionnaire, éditeur, galeriste et marchand d’art. Que manque-t-il à son talent ? Yoyo Maeght de continuer: « Les rêves, grâce notamment au sens pratique de ma grand-mère, se font réalité et comme des enfants, ils sont soutenus aussi longtemps qu’il faut avant qu’ils soient capables de marcher seuls. Cette constance dans l’effort, cette cohérence obstinée font d’une trajectoire un véritable courant, un système, un esprit. Ni têtu, ni borné, mais déterminé. Voilà la leçon que je voudrais retenir de la vie de mon grand-père. » Cette admiration sans bornes vouée à ses grands-parents dit aussi le sentiment d’abandon de parents bien trop occupés par leur vie mondaine pour se soucier de leur progéniture, ferments d’un ressentiment qui va créer une rupture familiale irrémédiable et encore actuelle. Nous entraînant dans une fresque, quand l’histoire se mêle à l’Histoire de l’art, Yoyo Maeght exprime ce qui a fait la richesse de son propre parcours, ses racines, des bribes de vie et le chemin vers la sérénité d’une identité retrouvée.

 

La Saga Maeght par Yoyo Maeght - Éditions Robert Laffont, 336 pages - 60 photos documents, 21,50 €. dédicacé par Yoyo Maeght.

 

 

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