Presse - Aimé Maeght aimait être « fasciné par les artistes»
Son grand-père a exposé Miró, Braque, Chagall. Yoyo Maeght revient sur l’histoire de sa famille.
Interview de Yoyo Maeght
C’est peu connu, mais une partie de l’histoire de votre famille est gardoise…Yoyo Maeght
- Absolument, mon grand-père, Aimé Maeght, a étudié aux Beaux-Arts de Nîmes. Il avait une chambre face à la Maison carrée.
Vous parlez de l’esprit Maeght. Comment le définiriez-vous?
- Pour lui, l’important était l’intégrité. Papy avait une passion pour les artistes, il s’intéressait à l’œuvre mais il aimait être fasciné par les artistes.
Dans “La saga Maeght”, vous écrivez que c’est seulement à son enterrement que vous prenez conscience de son importance?
- Jusque-là, je savais qu’il avait une aura. Mais je n’avais pas conscience qu’il avait marqué l’histoire de l’art. J’ai pris conscience qu’il était aussi un modèle pour des anonymes.
« L’œuvre de Miró était très séduisante pour un enfant »
Parmi les personnalités qui ont marqué votre enfance, il y a Miró.
Yoyo Maeght
- C’est d’abord quelqu’un qui avait une extraordinaire culture française. Il jouait avec les couleurs comme avec les mots. Il parlait peu mais toujours de façon très incisive. L’œuvre de Miró était très séduisante pour un enfant.
Braque, également…
- Il est mort quand j’étais petite. J’étais fascinée par son regard, il avait des yeux bleus que je n’ai jamais retrouvés. Un jour, une tourterelle est entrée dans notre appartement, elle est restée et on l’a offerte à Braque. L’oiseau est omniprésent dans son œuvre. Je savais qu’il comptait… Mes amis ne connaissaient personne qui avait peint un plafond au Louvre.
Et Marc Chagall…
- Sa maison était juste à côté de celle de mon grand-père. Je déjeunais récemment avec son fils, il me racontait qu’un jour il était dans la Buick de mon grand-père. À l’époque, on pouvait traverser le parc du château de Versailles et, au milieu, mon grand-père s’est mis à déclamer des vers de Baudelaire. Chagall ne disait pas un mot et son fils a encore des frissons quand il en parle.
Vous souvenez-vous de l’inauguration de la fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence?
- Oui. Je n’ai pas été marquée par Malraux qui venait souvent à la maison mais je me souviens que j’avais peur des gendarmes. Il y avait beaucoup de personnalités. Pour moi, la fondation était l’agrandissement de notre maison, je me demandais ce qu’ils faisaient là…
Vous avez eu une enfance dorée et en même temps vos parents se désintéressent de vous. Ils vous font croire que vous avez été trouvée…
- Mes parents vivaient dans l’insouciance et la liberté, je ne l’ai pas mal vécu. On me demande si j’ai souffert quand j’ai su que je n’étais pas adoptée mais c’est comme quand on apprend que le Père Noël n’existe pas.
Quand vous découvrez que vous êtes vraiment la fille de vos parents, votre mère vous répond qu’il faut avoir de l’humour…
- C’était un côté surréaliste. Quand on a l’habitude de voir des tableaux de Chagall avec des chèvres qui volent au-dessus de Paris en jouant du violon, c’était un monde qui avait sa logique.
Recueilli par STÉPHANE CERRI
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