Aki Kuroda par Anne Kerner - Cosmojungle

Cosmojungle par Anne Kerner - 2009

« Ma dernière série de tableaux s’intitule « Cosmojungle ». Mon sujet depuis une vingtaine d’année était « Cosmogarden ». Ce qui veut dire que tout est jardin : le corps, la ville, le jardin, vous, moi… Tout y existe. Son histoire, celle du monde. Et tout cela bouge. Il y a des vagues, des changements en permanence. Tout se passe entre la troisième et la quatrième dimension. Et il faut toujours trouver une pièce sans limite. Toujours trouver autre chose, encore autre chose…

Le mot clé de mon travail est « Inside out / Outside in »… Vous savez, j’aime me promener en ville. Elle m’envahit. Et, au bout d’un moment, c’est mon esprit qui vient à elle. Une sorte d’intériorité qui sort. Là, je crée mon coin secret. C’est un endroit où la vie quotidienne devient plus forte, plus dynamique. Car je ne suis ni japonais, ni français. Je suis déraciné. Donc j’ai besoin d’avoir toujours le sentiment de vivre de manière plus dynamique avec la ville qui devient de plus en plus mon sujet. 

Au départ, mes « tableaux jardins » étaient travaillés morceau par morceau. Maintenant existe plutôt l’accumulation de toutes les choses. Le jardin se métamorphose ainsi en une jungle. Ceci correspond d’ailleurs à mon travail fait avec la chorégraphie, les grandes statues, le Minotaure, le vaisseau spatial… tout comme mon travail en collaboration avec des architectes. Il y a une fusion très forte entre nous, tout en restant totalement autonome. Donc, je travaille aussi réellement « dans » la ville puisque, entre autre, je viens de réaliser l’année dernière trois collaborations avec des architectes au Japon. Aujourd’hui, je propose mon idée à l’architecte. Et nous avançons morceau par morceau. Comme une promenade. J’ai ainsi participé au Japon à Tokyo Dom, une salle de concert rock. J’ai commencé par la création de 20 mètres sur 5 et ils m’ont donné ensuite un mur de 70 mètres, puis le sol et le plafond ! C’était formidable. On a ajouté et transformé des choses. 

Il faut ainsi que la ville tourne autour de l’art…. Il faut intégrer des installations complexes qui communiquent avec les gens. Car des liens doivent se tisser entre les gens et la sculpture. La peinture doit agir de la même façon. C’est pour cela que je travaille toujours sur des choses simples, avec peu de moyens et je crée de l’espace… Comme je l’ai déjà dit, j’aime la ville et ses cafés. J’attends toujours, chaque jour, la découverte de quelque chose à la terrasse d’un café. Je croise des visages différents, des expressions d’étonnement, que j’aime. Maintenant, j’ai envie de créer mon propre plan de Paris. Là, ça devient beaucoup plus intéressant. J’aime aussi me promener car je circule dans l’espace et l’espace c’est aussi le théâtre, la peinture, la vie.

Dans mes tableaux, il y a de nombreux détails. Ici, une tasse de café. Là, mon lapin qui a pris dans mes tableaux la place du Minotaure devenu trop historique et faisant référence à la revue "Minotaure" qu’achetait mon père. Le lapin est une sorte de guide comme dans « Alice au pays des merveilles » mais dans le labyrinthe d’Aki Kuroda ! Le labyrinthe, c’est la peinture, moi, vous… Il y a aussi plusieurs figures avec toujours les mêmes ombres portées. Et de nombreux animaux, des monstres. Bien sûr, il y a aussi les bulles, Ce sont des sphères parfaites dans le chaos, et autour des sphères, d’autres bulles, de savon, cette fois imparfaites, comme de la gélatine. Et en même temps, c’est l’univers, la terre. On peut voir encore des poissons qui sautent. Et encore des plantes vertes qui sortent de la ville. On retrouve aussi des gens en gribouillis, le visage étonné. C’est une expression que j’aime bien. Comme le visage d’une jeune fille en extase.

Ces tableaux sont la représentation de ma conception de « la ville », de son histoire, de l’Histoire, de l’histoire de l’art, etc… C’est la base même de la peinture lorsque l’on travaille avec la vie réelle. »

Cosmojungle par Anne Kerner - 2009