Aki Kuroda par Camille Fallen- Transfiguration, mutation, « mytho-kurodie »

Transfiguration, mutation, « mytho-kurodie » par Camille Fallen,2002. 

L’avenir arrive. Nostalgia, Lontanissimo signalent que quelque chose s’est produit, que rien ne sera plus comme avant : les figures s’étirent vers l’ailleurs. Elles s’en vont. Les premiers indices en sont Space Meeting et Space Pieces . Désormais, le futur est scellé. C’est-à-dire descellé. Les saisons qui passent montrent l’après-coup d’une révolution : Ventôse, Pluviôse, Thermidor. Le temps est fini des catastrophes terrestres. Dans sa trajectoire, cette révolution a fait le tour des saisons et le tour de la Terre. L’orbite terrestre est révolue et le voyage qui s’annonce d’avant ou d’après un nouveau déluge est un voyage spatial, sidéral, cosmique. Le tableau Orbite témoigne de ce nouveau départ.

De Ténèbres à Cosmogarden, la toile en expansion a rejoint les confins de l’univers. Elle est à la mesure sans mesure de ce cosmos qui n’est plus celui des anciens dieux.

Une nouvelle dimension s’est ouverte dans la brèche des figures. Dépouillées, légères et nues (si nues qu’elles semblent ne plus l’être et ne plus avoir de sexe), elles ne se laissent plus retenir par la gravitation. Ni le temps dès lors, ni l’espace, ni les corps n’obéiront aux données terrestres : du lac Takara à Cosmogarden, Aki Kuroda aura quitté la Terre.

Enfantée par l’extase (mais y a-t-il d’autre passage, d’autre porte hors de soi, d’autre métamorphose possible ?), la nudité des figures, ouvertes, trouées sur l’infini, nous devient énigmatique. Comme la nôtre. Et c’est encore l’un des paradoxes, l’une des vives contradictions de la peinture d’Aki Kuroda : nous donner à voir la nudité comme inconnue (et vierge aussi) au moment même où dans l’extase elle se livre tout entière à la vue, à la mue, à la nue.

Cette figure abandonnée, à la fois claire et vide semblait avoir renoncé au corps, à l’angoisse, à l’érotisme et à la mort. Est-ce si sûr ? S’éloignant hors d’ellemême jusque dans l’inconnu – transportée, dénudée, exposée – ne l’approche-t-elle pas au plus près ?

Qui connaît le lieu, le corps, le sexe, la nudité et les « sens » de l’extase ?

Cette fois, l’œuvre a pris les dimensions de l’univers. Elle a dépassé le cadre et le corps pour rejoindre l’avancée du cosmos. Désormais, l’un et l’autre iront ensemble. Aki Kuroda et le cosmos. Et la mytho-kurodie qui s’annonçait peut enfin venir se déployer sur la toile du cosmos.

Transfiguration, mutation, « mytho-kurodie » par Camille Fallen, 2002