Aki Kuroda par Camille Fallen - Corps
Corps par Camille Fallen, 2002
Le corps qui pèse, le corps comme chair, gravité et gravitation a péri dans la flamme bleue du lac. La figure qui reste est légère. Figure : le nom de ce qui reste. La figure sauf le corps ou le corps enfin sauf. Sa pesanteur s’est laissée consumer de plaisir et d’extase.
« Ce qui m’intéresse, c’est le cosmos et le corps.»
« Et le corps sans corps peut-être, comme passage, métamorphose. »
Le corps hors de toute filiation n’est plus l’enfant du temps, mais celui de l’espace et de l’espacement. Il « descend » de la couleur. Il arrive en elle depuis le noir profond du cosmos, empli de lumière. Le corps engendré – comme carnation ou incarnation – a disparu.
Que reste-t-il du sens et des sens lorsque le corps n’est plus ? Que reste-t-il du sens et des sens lorsque le temps devient couleur, grain, comme grain de peau ou grain de toile ?
Seule la peinture pouvait nous donner à voir ces figures. Mais « là », les mots nous manquent. Là, à la « place » des figures, il y a le « lieu », la pure ouverture, la naissance de l’espacement au cœur de la couleur, la mise en abîme de l’espace dans l’espace. Hiatus. Le vertige de l’espace pur ressemble (et l’on s’y trompe) à l’immobilité.
Les figures sont sans modèle. Elles ouvrent des dimensions nouvelles. Elles dessinent l’absence comme une omniprésence. Elles abritent le souffle qui a soufflé les corps. Ce miroir sans tain dévoile l’inconnu de nos corps.
Dans son ouverture claire, l’œil glisse à l’infini. L’approche de ce nouveau corps n’en finit pas. Il faut y sacrifier le nôtre. La figure se montre, joue la transparence au-delà de l’être. Mais elle reste obscure, énigmatique, avenante et dangereuse : nue de tout l’avenir qu’elle porte en elle.
L’extase, c’est le « transport hors de soi ».
Haut le corps, hors le corps.
Qui vient là ? Où va-t-on ?
Corps par Camille Fallen, 2002