Presse - C'EST DALLAS CHEZ LES MAEGHT

Quatre ans après avoir quitté avec fracas la célèbre fondation, Yoyo Maeght publie une saga familiale où elle règle ses comptes.
Interview ELISABETH COUTURIER

 

Paris Match. Pourquoi dévoiler vos secrets de famille?
Yoyo Maeght.
Dès la mort de mon grand-père, Aimé Maeght, j'ai voulu écrire son histoire. Il n'existait aucun livre sur lui, sur sa galerie ou sur sa fondation. Pourtant, quelle épopée fantastique ! Je voulais savoir comment un gosse orphelin devient le plus grand mar­chand d'art du monde et l'ami de Matisse, Braque, Giacometti, Miró, Prévert, Chagall.

Vous racontez aussi les terribles coulisses de la "saga Maeght".
Au départ, je voulais raconter tout ce qui était visible : les expositions, les relations directes avec les artistes. Finalement, je livre toute l'histoire Maeght à travers mon propre regard. Le fait d'avoir rompu avec ma famille explique cette liberté. Quelle était l'origine du conflit entre votre père et votre grand-père ?

J'ai posé la question à mon grand-père, maintes fois. Quand j'avais 18 ans, il m'a enfin vaguement répondu : il n'y a pas de fâcherie à proprement parler, juste de la déception. Nous, les petites-filles, vivions mal cette situation. Nous étions de tous les vernissages, de tous les événements, mais sans nos parents.

Vous paraissez tenir votre père responsable d'un déclin de l'empire Maeght. Pourquoi ?
J'ai toujours pensé qu'on n'est pas obligé de porter l'image de sa famille. Inutile de vouloir relever le défi ! On peut se dire : "Mon père a été un génie", ce que mon père, Ad rie n, semble ne pas avoir réussi à faire, évoquant souvent avec sévérité le sien, Aimé. Ce n'est pas mal de dire : ''Je veux juste essayer d'être heureux et rendre mes enfants heureux." Bien sûr, on doit transmettre le patrimoine familial mais, si je devais choisir, pour moi, le bonheur serait prioritaire.

Votre père tient-il ses enfants avec son argent, comme son père le faisait ?
Non, pas du tout. Papy lui a permis d'être autonome, c'est très différent. il lui a offert d'avoir ses propres activités, un métier et une imprimerie de cent ouvriers qui travaillaient quasi exclusivement avec les artistes de la Galerie Maeght.

N'est-ce pas l'imprimerie qui a fait la fortune des Maeght ?
La Galerie a édité plus de 12 000 gravures, mais vendait aussi beaucoup de tableaux. Les œuvres de Chagall, de Bonnard, de Braque valaient très cher ; Calder, ça commen­çait à valoir un petit peu ; Kandinsky se vendait mal. Disons que mon père, Adrien, a su faire fructifier les éditions, il était indéniablement doué pour cela.

Vous racontez qu'il peut se montrer injuste et sans-cœur.
C'est un homme intelligent et plein d'humour, mais il veut tout contrôler. Je lui échappe après avoir servi la maison Maeght durant des années, sans pour autant être son ennemie. Il a ses quatre enfants bien dans sa main. S'ils sont dociles, il desserre les doigts, s'ils font quelque chose qui lui dé plaît, alors il serre.

Vous n'êtes pas charitable, non plus, avec votre sœur, Isabelle.
Ou est-ce elle qui ne l'est pas avec moi ? Papa aurait dû l'arrêter. On l'a alerté. Mais rien n'y a fait. Aujourd'hui, elle contrôle quasiment toutes les sociétés familiales et les biens privés, et ce sans partage avec nous, ses sœurs. Et. il y a quatre ans, un événement a fait basculer beaucoup de choses.

Que s'est-il passé ?
A Saint-Paul-de-Vence, j'ai vu arriver sept gendarmes chez moi. L'ordinateur de ma sœur Isabelle avait, prétendument, disparu. Je laisse perquisitionner, car je n'ai rien à cache r. Puis j'ai droit à un interrogatoire nocturne à la gendarmerie au prétexte d'un flagrant délit de vol, avec prise d'empreinte génétique. C'est à ce moment que je me suis dit qu'il fallait une totale absence d'amour familial pour faire subir ça à sa sœur ou à sa fille.

Qu'avez-vous fait ensuite ?
J'ai déposé plainte pour dénonciation calomnieuse. Et je suis allée en justice pour réclamer des comptes.

Et vous êtes sortie de la famille ?
J'ai plutôt été jetée dehors !

A vous lire, on a l'impression d'un immense gâchis tant la Galerie Maeght a été un empire.
C'est un immense gâchis, une famille désunie. Quant à la Galerie Maeght, le monde de l'art jugera. Mais, comme l'a écrit René Char : "Le monde de l'art n'est pas le monde du pardon."

Comment vont-ils réagir face à votre vision des choses ?
Je ne sais pas. Ils ont plus d'imagination que moi ! Ce livre, pour moi, clôt une histoire. J'aime construire, pas détruire. Maintenant, je suis libre ; je peux commencer une nouvelle vie.

«La saga Maeght», de Yoyo Maeght, éd Robert Laffont, 336 pages, 21,50 euros

 

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