AKI KURODA - EXPOSITION "SOLO SHOW", 2024
Exposition "Solo Show", Galerie Louis Gendre, Chamaliéres ( Du 14 mars au 11 avril 2024)
Aki Kuroda parle volontiers des formes qui occupent ses œuvres : le bleu, qui renvoie aux Ténèbres, au Cosmos, au Minotaure ; les figures blanches, qui font passage et symbolisent l’information et les médias ; l’homme, qui en ses tréfonds n’est que combinaison digitale et fragments d’ADN; l’architecture et la technologie, qui assèchent l’espace de la vie ; le labyrinthe, qui love ses anneaux à l’extérieur comme à l’intérieur de nous.
Des questions viennent alors à l’esprit : s’il en est ainsi, alors où se fait l’œuvre, où loge la liberté ? Dans le Minotaure, la source irradiante de la puissance ? Dans le fil d’Ariane, qui relie le monde à ses interrogations les plus secrètes ?
Mais le fil est Minotaure et le Minotaure est fil. C’est ce que montrent les toiles et dessins de Kuroda. Ne reste qu’un procès, un rythme complexe et irrégulier. Aplats de masse d’abord. Existence ensuite — la silhouette — qui s’impose dans la rencontre des formes. Puis négation de cet ordre, brouillage des lignes, réintroduction du chaos. Et enfin jeu sur cette opposition, alternance des phases, mise en tension.
D’un côté donc, le chaos qui résonne et crée des formes dans son mouvement. De l’autre, une subjectivité qui ne cesse de répéter : « Non, il n’y a pas d’ordre a priori ! » Réinsérer du chaos dans les agencements constructifs apparaît comme la mission que le peintre s’est donnée à lui-même. Mais ce faisant, en affirmant ainsi le chaos, ne le nie-t-il pas aussitôt, ne le ramène-t-il pas à une simple projection de la conscience ?
Le besoin de jouer sur cette tension est certainement l’un des moteurs de l’art. « Si les hommes inventent des formes, c’est pour arrimer à notre monde passager la fragilité qui caractérise le jeu », écrit le philosophe japonais Tada Michitarō. Il y a dans l’œuvre de Kuroda quelque chose qui répond à cette esthétique. C’est en remontant l’art à ses origines mythiques que se résout dans son œuvre la tension du je, que se dissout la «subjectivité de l’artiste», que l’essence et le sens se renouent, et que les contradictions de l’un deviennent capables d’éclairer celles de tous.
Michael Lucken