.Braque
L’Oiseau dans le feuillage, 1962, lithographie originale, 80x105 cm, Maeght Éditeur, Paris.
C’est Braque qui conseillera aux Maeght de montrer les œuvres de Derain. Aimé admirait non seulement l’homme, son esprit et sa rigueur, mais aussi son œuvre et son sens du métier. Pas une ombre ne viendra ternir leur profonde amitié. Aimé achète toute la production de l’artiste et l’incite à retrouver le chemin des ateliers de lithographie.
Aimé Maeght et Georges Braque, 1954
Aimé reprend l’édition des planches gravées par Braque pour Ambroise Vollard illustrant la Théogonie d’Hésiode ainsi que les tirages des gravures cubistes des années 1900.
Dans les années 1950, Braque s’attache à peindre sa fameuse série des Ateliers, mais aussi de grands paysages ruraux aux formats panoramiques : charrues abandonnées dans un champ de blé, vol d’oiseaux au-dessus de la plaine… Il renoue aussi avec les marines, des bords de mer, des barques sur la grève dont les empâtements peuvent paraître lourds; la peinture déborde et envahit même le cadre… Le regard se resserre sur le tableau. Ses dernières toiles donnent un sentiment de vertige. «J’ai le souci de me mettre à l’unisson de la nature, bien plus que de la copier», note-t-il dans son Cahier que Maeght édite en 1947.
Page du Cahier de Georges Braque, 1917-1947, Maeght Éditeur, Paris
La rigueur s’allie à une invention dominée par la réflexion. Toute sa peinture est contenue dans cette phrase qu’il martelait: «Il faut se contenter de découvrir, mais se garder d’expliquer.» À Varengeville, où il vit et travaille, et où pendant la «drôle de guerre» l’avaient rejoint Alexander Calder, Joan Miró et sa famille, Braque a su capter la lumière dure et changeante.
Georges Braque réalisant, dans les réserves du Louvre, le plafond de la salle étrusque, 1952.
En famille, les Maeght retrouvent régulièrement le peintre et son épouse Marcelle dans ce village de la Côte normande. Puis Georges Braque revient s’installer à Paris, où Paule, l’épouse d’Adrien, lui rend des visites quotidiennes.
Marguerite Maeght, Georges et Marcelle Braque à Venise en 1948.
Georges Braque travaillant à une toile hors normes, en effet, il a fallu fabriquer un châssis bien particulier pour faire cette forme d'arche à la demande de mon grand-père, Aimé Maeght, afin d'orner une pièce de son mas de Saint-Paul de Vence.
Voici Georges Braque installant cette splendide peinture.
Il a lui-même peint le dessous de l'arche pour continuer le ciel…
Deux oiseaux blancs, comme un diptyque dans une seule toile. On lève les yeux pour les voir, nous volons avec eux…
Georges Braque, Le couple d'oiseaux,
«Braque est patient. Son visage, si humble qu’il semble avoir vu la paix. Mais l’épaule est d’un bûcheron ; et la taille d’un géant. "Il faut avoir le temps, dit-il, d’y songer." En effet, il s’assoit. Puis : "Quand j’étais jeune, je n’imaginais pas que l’on pût peindre sans modèle. Ça m’est venu peu à peu. Faire un portrait! Et d’une femme en robe de soirée, par exemple. Non, je n’ai pas l’esprit assez dominateur." Il s’explique : "Le portrait, c’est dangereux. Il faut faire semblant de songer à son modèle. On se presse. On répond avant même que la question soit posée. On a des idées." Par Jean Paulhan
Georges Braque, Paysage à l'Estaque, Automne, 1906.
Georges Braque, Nature morte au verre et lettres, 1914.
Georges Braque, "Nature morte au poissons roses", 1937.
La symétrie est créée par des intensités plutôt que par les formes. Et l'arrière plan, dingue et tellement audacieux.
Georges Braque, "Mandoline", 1941. Cette peinture a encore tant à nous enseigner. C'est formidable cette impression de verticalité alors que la toile est presque carrée.
Georges Braque, "A tire d’aile", 1956-1961.
Georges Braque dans son atelier.
Une grande amitié unissait celui que Jean Paulhan surnomma «le patron» à Jacques Prévert, qui lui consacra ces quelques vers:
Braque
à quoi pensait-il
à quand songeait-il
devant la mer ce modèle nu.
Georges Braque, Les Oiseaux noirs, 1956 - 1957, huile sur toile, 181 x 229 cm.« Les enfants et les génies savent qu’il n’existe pas de pont, seulement l’eau qui se laisse traverser. Aussi chez Braque la source est-elle inséparable du rocher, le fruit du sol, le nuage de son destin, invisiblement et souverainement. Le va-et-vient incessant de la solitude à l’être et de l’être à la solitude fonde sous nos yeux le plus grand cœur qui soit. Braque pense que nous avons besoin de trop de choses pour nous satisfaire d’une chose, par conséquent il faut assurer, à tout prix, la continuité de la création, même si nous ne devons jamais en bénéficier. Dans notre monde concret de résurrection et d’angoisse de non-résurrection, Braque assume le perpétuel. Il n’a pas l’appréhension des quêtes futures bien qu’ayant le souci des formes à naître. Il leur placera toujours un homme dedans ! » - René Char, Derrière Le Miroir, 1957
Georges Braque dans les réserves du Louvre
« Braque était un artisan qui a toujours gardé ce caractère-là avec cette retenue et cette noblesse de l’amour du métier . » - Aimé Maeght
À sa mort, en 1963, des obsèques nationales lui sont rendues. Son ami André Malraux, qui lui avait passé commande de la décoration d’un plafond du musée du Louvre, prononce l’éloge funèbre devant le musée. Le peintre est enterré dans l’intimité au petit cimetière de Varengeville, dont la chapelle est ornée de ses vitraux.