.Chagall

Marc Chagall, 1935.

C’est en octobre 1947 qu’Aimé Maeght rencontre Marc Chagall pour la première fois, au vernissage de sa rétrospective au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris qu’avait organisée Jean Cassou comme pour susciter et fêter le retour du peintre après les années d’exil aux Etats-Unis.

"Ida Chagall m’emmena chez son père et ce fut l’éblouissement dans l’atelier lorsque je découvris les gouaches peintes aux Etats-Unis et au Mexique, soixante feuilles superbes que j’eus la chance de pouvoir rapporter à la galerie. Nous arrêtâmes ensemble le projet de la première exposition à la Galerie. Cette rencontre marque le début de notre étroite et confiante collaboration et d’une amitié qui ne s’est jamais démentie." Aimé Maeght

Marc Chagall exposera dès lors à la Galerie Maeght et devint ami et voisin d'Aimé Maeght à Saint-Paul-de-Vence.

Marc Chagall, L'Anniversaire, 1915.

Extrait de La Saga Maeght :

"Marc Chagall est le plus proche voisin de notre propriété et Mamy souhaite que nous allions tous les jours faire un petit coucou au malicieux artiste. Seule ou avec mes sœurs, à pied, à vélo ou à cheval –, avec Flo, nous parcourons les collines environnantes perchées sur les chevaux d'un autre voisin, je m'arrête toujours en chemin chez lui et sa femme, Valentine Brodsky, qu'on appelle Vava. Elle est beaucoup plus jeune que lui, n'a que dix ans de plus qu'Ida, la fille de Chagall et Bella, mais elle mène tout à la baguette. Je la crains. Chagall est fou d'elle comme il l'a été autrefois de Bella. Papy aime à imiter Chagall avec son sublime accent russe. Toute la ruse de l'artiste est perceptible dans un des films que Pierre Dumayet a consacré à mes grands-parents où il lui demande pourquoi il ne signe ses tableaux que quand ils sortent de son atelier. « Parce que je pense que jamais fini le tableau, je suis pas content, je suis un type qui n'est pas content, sauf de ma femme je suis content. "

Marc Chagall dans son atelier peignant sa femme Bella, 1934.

Aimé Maeght et Marc Chagall en 1962.

Chagall acquiert une telle maîtrise de la couleur qu’à la mort de Matisse, en 1954, Pablo Picasso exprime l’idée que Chagall était à présent le seul peintre à comprendre ce qu'est vraiment la couleur. Pour Chagall, «Toutes les couleurs sont les amies de leurs voisines et les amoureuses de leurs opposées».

Affiche originale imprimée en lithographie par Mourlot en 1954 pour une exposition chez mon grand-père.

Discours prononcé par Marc Chagall à sa remise de Légion d'Honneur. Évoquant la Fondation : "Une telle création suppose une hauteur et une précision dans les vues, une ténacité, une générosité aussi que l'on peut proposer en exemple" Venant de Chagall, fichtre, quel compliment !

Le bonheur de créer, sans concurrence, en amitié, presque "en voisins", Chagall habitant dans les collines de Vence et Picasso, à Mougins.

Le sourire de Chagall est bouleversant, la fraicheur et la joie enfantines.

Moment de complicité entre deux génies ! Pablo Picasso et Marc Chagall.

Chagall et l'œuvre

Plus de cent ans pour cette peinture. Je commence seulement à mesurer l'immense qualité de l'œuvre de Chagall, je dirais même que, maintenant, je suis séduite, tant esthétiquement que dans l'analyse dans l'histoire de l'art.

Marc Chagall, Autoportrait en vert, 1914.

Quand Chagall peint cette œuvre magnifique, en 1917-1918, il est à Paris en pleine Première Guerre Mondiale et durant la Révolution russe : c'est à cette époque qu'il fréquente Malevitch, Apollinaire, Picasso et Matisse et découvre le cubisme et le fauvisme.

Ses jours ne sont pas très joyeux, seul l'amour pour Bella semble l'extirper de la noirceur, mais comme le lien parait fragile, s'il lâche sa main, elle s'envolera sans lui.

Et pourquoi son autre main n'est-elle pas dans le tableau, tient-elle un autre ?

Marc Chagall, La promenade, 1918.

Dans "Le Violoniste Vert" de 1923, Chagall évoque son pays natal et la religion. Chagall pense qu'il est possible de parvenir à une communion avec Dieu à travers la musique et la danse. Le violoniste étant incontournable dans les cérémonies et les fêtes juives, enfant, il en jouait d'ailleurs assez bien, à ce qu'il disait.

Le tableau est à la fois ancré dans la tradition, avec le violoniste klezmer incarnant les racines juives russes de Chagall, et dans la modernité, avec un vocabulaire cubiste avec ce manteau aux formes anguleuses.

Pourquoi donc Chagall a-t-il choisi le vert pour le visage du violoniste ?

C'est une des toiles de Chagall qui m'a fait, tardivement, aimer et même adorer son œuvre.

Il faut s'imaginer face à cette toile de 2m de haut. J'ai été submergée par la couleur, puis par les détails, puis à nouveau par les teintes, puis les éléments et formes géométriques qui semblent empilés, ensuite, se bousculent toutes les références, aussi bien historiques, que religieuses ou artistiques.

Alors, je ne lutte plus, j'accepte de recevoir cette peinture comme un cadeau, j'y entre, me voilà dans le petit village de Vitebsk, j'y croise les acteurs de l'histoire de l'art, oh, maintenant, je suis à Saint-Paul, dans mon enfance, j'entends la voix de Chagall, celle de ma grand-mère…

Je reste longtemps dans ce bonheur de la peinture, le plus difficile est d'en ressortir et de revenir à la réalité.

Marc Chagall, Le Violoniste Vert, 1923.

Marc Chagall, Le lapin, 1927. On est vraiment dans le jardin d'Alice, dans les entrailles de la terre. Lewis Carroll n'est pas loin.

Cette toile a été peinte en 1938, année de la tragique nuit de cristal (du 9 au 10 novembre 1938). Le tableau préfigurait déjà l’horreur qu’allait vivre le peuple juif pendant la seconde guerre mondiale. La symbolique de ce tableau est très forte et les renvois à la religion juive y sont nombreux. Par exemple, citons le pagne du Christ remplacé par un « tallit », châle utilisé pour la prière juive. De même, sur la droite du tableau, une synagogue allemande est en flamme. Sur la gauche, on entrevoit les persécutions subies par les juifs pendant la guerre civile russe (1917-1923).

Marc Chagall, Joseph, berger, gouache préparatoire pour La Bible, 1931.

Marc Chagall, Crucifixion blanche, 1938.

Chagall, immigré russe en France, a manifesté son amour pour sa nouvelle patrie et notamment pour Paris, représentant Notre Dame régulièrement avec une admiration touchante. Sans oublier son histoire juive, il souhaitait délivrer un message de paix, d’amour et d’harmonie entre les hommes et ce, quelle que soit leur religion : "Car comme toute vie va inévitablement vers sa fin, nous devons durant la nôtre, la colorier avec nos couleurs d’amour et d’espoir."

Marc Chagall, Le Dimanche, 1954.

Comme il sait bien utiliser le papier pour faire des blancs percutants, il faut reconnaitre que Chagall était un technicien hors pair. Ses peintures résistent d'ailleurs incroyablement au temps, très peu de craquelures, donc peu de restaurations à prévoir.

Les fleurs de Chagall, les ponts de Paris et la Tour Eiffel ma vie rêvée.

Marc Chagall, dans son atelier, travaillant sur ce qui restera comme son plus grand tableau, La Vie, qu'il achève pour l'ouverture de la Fondation Maeght en 1964.

Marc Chagall, Le Concert, 1958.

Marc Chagall, Bouquet, 1963.

Marc Chagall, Couple dans Mimosa, 1967.

Marc Chagall semble satisfait de son travail de céramique.

Relations étroites et suivies entre Chagall, la danse et le théâtre.

C'est en 1956 que le merveilleux éditeur et collectionneur grec Tériade propose à Chagall d'illustrer la fable de Daphnis et Chloé. Il faudra cinq années au peintre pour concevoir la suite des 42 lithographies originales en couleurs.

La suite des lithos est considérée comme l’œuvre graphique la plus importante de Chagall. Dans des compositions fantaisistes et de vifs coloris, l’artiste illustre les idylles pastorales du chevrier Daphnis et de la bergère Chloé sur l’île de Lesbos, telles que narrées dans une fable grecque romantique datant du IIe siècle.

Un exemplaire "avec suite" est conservé à la Fondation Maeght, provenant de la collection de livres rares de mon grand-père, Aimé Maeght.

La litho "Découverte de Daphnis" par Lamon issue du livre Daphnis & Chloé illustré par Chagall.

Marc Chagall, Le Baiser de Chloé, litho issue de Daphnis et Chloé chef-d'œuvre de la bibliophilie contemporaine édité par Tériade en 1961.

Chagall a dessiné les décors d’un théâtre de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg et pour le Théâtre juif de Moscou. A New York, il a travaillé avec les chorégraphes Leonide Massine et George Balanchine. Et, bien sûr, il a peint le plafond de l’Opéra Garnier de Paris.

Marc Chagall, Danseuse sur un fond mauve, 1970.

L'oiseau blessé par une flèche.
Mortellement atteint d'une flèche empennée,
Un Oiseau déplorait sa triste destinée,
Et disait, en souffrant un surcroît de douleur :
"Faut-il contribuer à son propre malheur !
Cruels humains ! vous tirez de nos ailes
De quoi faire voler ces machines mortelles.
Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié :
Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre.
Des enfants de Japet toujours une moitié
Fournira des armes à l'autre."

Jean de La Fontaine.

Marc Chagall, illustration L'oiseau blessé par une flèche.

"Il dort
Il est éveillé
Tout à coup, il peint
Il prend une église et peint avec l'église
Il prend une vache et peint avec une vache
Avec une sardine
Avec des têtes, des mains, des couteaux…"